Connu jusqu'ici pour sa capacité à honorer chaque console PlayStation d'une trilogie de haute qualité (Crash Bandicoot sur PS1, Jak & Daxter sur PS2, puis évidemment Uncharted sur PS3), le studio de développement Naughty Dog a pour la première fois décidé de rompre avec ce rythme auquel ils nous habituent depuis plus de 15 ans. Comme chacun sait, je suis un gros fan de la jeune franchise HD des Dogs, mais aussi des Crash et compte bien me faire prochainement la trilogie Jak & Daxter remastérisée — je ne pouvais donc accueillir l'annonce de The Last of Us qu'avec un certain optimisme.
Toutefois, cette nouvelle fut nuancée de quelques doutes entourant la nature du titre: au vu des premières vidéos, il semblait que nous nous dirigions ainsi vers un TPS aux allures de survival très linéaire, au top graphiquement, bref comme si ND avait eu l'étrange idée de nous pondre une nouvelle licence aux fortes allures d'Uncharted avec des zombies. Et ce bien que le duo de personnages annoncé aie de quoi surprendre, car notamment car constitué d'une adolescente bien trop jeune pour se retrouver projetée dans une telle aventure. Bref, je partais convaincu que ce serait un bon jeu pop-corn mais n'en attendais pas forcément le GOTY notamment après l'expérience de très haute volée vécue dans le dernier Tomb Raider. Que Christrophe Balestra et ses Dogs me pardonnent d'avoir osé émettre de tels doutes jusqu'à la lecture des premiers tests et surtout, jusqu'à ce que je me décide à me faire mon propre avis.
Passé le cap psychologique terrible d'une intro forte en émotions qui pose non seulement des bases techniques de haute volée mais aussi et surtout une certaine profondeur narrative inattendue, on se met dans la peau de Joel, l'un des deux protagonistes du titre de ND. Ce dernier est un quadragénaire barbu isolé dans la zone de quarantaine de Boston où les rares survivants d'une terrible épidémie frappant les États-Unis depuis deux décennies, et se voit confier un "colis" à livrer aux Lucioles, un groupe de survivants isolé à l'autre bout du pays, sous la forme d'une gamine de 14 ans, une certaine Ellie. Cette dernière, en plus de n'être ni une greluche ni un boulet comme le furent de trop nombreux PNJ "coopératifs" (Sheva dans Resident Evil 5, vous vous rappelez?), se révèle être un personnage d'une étonnante maturité, aussi utile à Joel dans son parcours du combattant qu'elle ne peut se montrer fragile et vulnérable. Très vite, la relation entre ces deux personnages que tout devrait opposer constitue la clé de voûte du titre, et je n'ai pas peur de dire que rarement deux protagonistes de jeu vidéo auront été aussi travaillés, et de ce fait crédibles, surtout en constituant un duo. Joel et Ellie sont tout simplement prodigieusement attachants et provoquent constamment l'empathie du joueur. Pour ne pas spoiler, je n'expliquerai pas pourquoi, mais les épreuves aussi bien physiques que psychologiques qu'ils traversent du Massachussets à l'Utah, tout au long des quatre saisons, contribuent grandement à cette incroyable immersion dans leur personnalité et leurs sentiments respectifs.
Outre un discours résolument plus mature et sombre que dans les aventures de Nathan Drake, finalement très décalées et mâtinées d'un humour potache maintenant le joueur dans une ambiance saine et joviale à côté de celles du duo Joel/Ellie, The Last of Us réussit un véritable sans-faute en terme d'ambiance, ne faisant que renforcer les qualités décrites précédemment. D'abord, et c'est peu de le dire, on a très probablement affaire au plus beau jeu de la génération. Le contexte post-apocalyptique aurait pu nous offrir un jeu aux tons beige/grisâtres de plus mais non, il sera sombre et glauque lorsque la logique du décor l'exige (égoûts, pièces sombres et délabrées), mais saura se montrer coloré et chatoyants en des circonstances appropriées (forêt, université abandonnée et envahie par les feuilles orangées de l'automne...). Les divers environnements, en plus de se montrer merveilleusement crédibles, bien proportionnés et résultant d'un travail de "reconstitution apocalyptique" de lieux réels absolument bluffant, se paient le luxe de jouir d'un niveau de détail comme peu de jeux se le sont permis jusqu'ici. Même Max Payne 3, extrêmement travaillé à ce niveau, ne peut tenir la comparaison. D'une certaine façon, The Last of Us révolutionne le photoréalisme post-apocalyptique, et c'est peu de le dire. Bien que pas forcément d'une fluidité ahurissante, le jeu gère merveilleusement tous les effets de lumière comme peut-être jamais vu sur console, ainsi que tous les types de conditions météo possibles et imaginables.
Si l'ambiance est parfaitement réussie d'un point de vue visuel, il convient de signaler que la partie sonore n'est pas en reste. La bande son, signée du guitariste argentin Gustavo Santaolalla, ne cherche jamais à être épique ou pompeuse façon Hans Zimmer. Elle se montre au contraire plus intimiste, parfois rassurante et chaleureuse, le plus souvent mélancolique et angoissante. Personnellement, j'ai notamment trouvé que les compositions à la guitare sèche collaient idéalement à l'aspect "road trip" de l'aventure. Sublime de bout en bout et vierge de toute fausse note, elle contribue à l'implication du joueur et sert merveilleusement les scènes associées comme peu d'OST ont su le faire. Côté dialogues, même si on remerciera ici un travail d'écriture au top, la version originale ne souffre d'aucun manque de crédibilité, chaque voix, chaque intonation collant merveilleusement au personnage incarné. Je n'ai pas pu tester la VF, qui a priori serait entachée de quelques problèmes de synchro labiale, mais ne pouvant me résoudre à expérimenter autre chose que la VO dans ce type de jeu, je n'ai pu le vérifier, et le vis très bien. Seul défaut réel: parfois, les personnages dialoguent vraiment très loin de l'autre, ce qui manque vraiment de crédibilité, et on n'a parfois affaire qu'à des sous-titres pour compenser l'absence de compréhension d'une réponse bien trop éloignée dans le vide. Bon, on ne va pas en faire tout un fromage non plus, un tel défaut se noyant réellement dans le flot de merveilles que propose The Last of Us...
Pourtant, il y a quand même un défaut, plus flagrant, qui peut faire grincer des dents. Et pas des moindres puisqu'il concerne le niveau d'intelligence artificielle des ennemis. Lorsque ces derniers sont des infectés (comprendre: les humains zombifiés qui répandent la pandémie à travers le pays depuis deux décennies), leur manque d'intelligence peut se concevoir, bien qu'il s'agisse d'une excuse facile pour justifier leur incapacité à voir Joel ou Ellie pourtant face à eux, à quelques mètres. Toutefois, je ne parle pas ici des "claqueurs", infectés aveuglés par un champignon infâme qui leur a bouffé la tête, qui se déplacent et identifient leurs proies sur la base du bruit (ce qui constitue un élément de gameplay ici fort bien pensé tout au long du titre), très résistants et bien plus dangereux que leurs congénères. Les véritables humains par contre, souvent constitués de milices désireuses de n'accepter aucun autre humain dans un groupe de survivants, se montrent décevants. Pas sur leur incroyable cruauté et leur capacité à faire perdre toute foi en ce qu'il peut rester de l'humanité dans ce jeu: sur ce point, ils contribuent merveilleusement à l'atmosphère réellement horrible du jeu. Mais plutôt sur leur incapacité réelle à gérer une situation de conflit où, en surnombre, ils s'organisent mal, perdent parfois de vue Joel et Ellie de façon incompréhensible... et si les combats sont dynamiques et la gestion des armes intelligente (sur ce point, c'est un survival digne de ce nom), il demeure surprenant que leur véritable force réside dans la capacité du joueur à ne pas les provoquer, voire les contourner (certaines phases, que je ne pourrai taxer de gunfights vu la pauvreté des munitions laissées à disposition). Un élément de gameplay discutable mais que je trouve pour ma part intuitif et bien foutu consiste à faire jouer l'ouïe du personnage joué (puisque l'on ne jouera pas que Joel durant tout le jeu, certaines phases permettant de contrôler Ellie) pour déterminer l'emplacement des ennemis. Visuellement, cela se traduit par une apparition des silhouettes des ennemis se déplaçant en temps réel à travers les parois les plus proches. On pourrait croire que ça simplifie beaucoup le combat mais ça ne fait qu'accentuer l'angoisse permanente qui l'entoure...
Côté idées de gameplay, Naughty Dog n'est pas en reste, nous limitant volontairement au niveau des munitions et empêchant en permanence le joueur de se sentir en sécurité au niveau de ses ressources. Un plutôt ingénieux système de "craft" permet à Joel d'améliorer la qualité de ses armes ainsi que sa capacité à "switcher" de l'une à l'autre plus aisément. En plus des nombreux collectibles disséminés au travers de l'aventure (pendentifs des membres des Lucioles, comics que dévore Ellie, divers artefacts...), les différentes zones à explorer sont truffées de matériaux que Joel accumule pour bricoler ses armes sur des plans de travail rencontrés de temps en temps, mais aussi de morceaux de lames, de tissu, de scotch, des bouteilles lcool... lui permettant de confectionner bombes artisanales, kits de soin, cocktails Molotov et autres surins (ces derniers s'avérant vitaux pour exterminer plus aisément les "claqueurs" ou forcer des portes verrouillées). Globalement, la progression à ce niveau est intelligente et donne l'impression au joueur d'explorer chaque recoin du jeu, de Boston sous le déluge à Salt Lake City en passant par Pittsburgh ou les montagnes enneigées du Colorado, en donnant à cette exploration une véritable utilité. Surtout que contrairement à un Tomb Raider où les matériaux sont distribués en trop grand nombre, l'aspect "survival" de The Last of Us empêche rigoureusement, même le meilleur explorateur de zones, d'upgrader son équipement au maximum avant la fin du jeu. Il faudra pour cela le terminer et entamer un New Game + qui permet de revivre cette aventure épique sous un aspect davantage orienté exploration et collection.
Bien que cela ne s'impose nullement, Naughty Dog s'est quand même plié au rituel du multijoueur, devenu quasiment obligatoire dans toute production AAA moderne. Ce dernier, apparemment assez anecdotique, constitue d'après ceux y ayant déjà participé un prolongement tout à fait correct de l'expérience proposée par le solo, notamment sur la notion d'amélioration de l'inventaire et du "mode écoute" évoqué plus haut. Je ne m'étendrai pas davantage dessus, ne l'ayant pas encore testé, mais je suppose que je peux faire confiance à ND pour avoir joint à ce titre sublime un multi qui ne l'entachera pas. De toute façon, contrairement à un Uncharted 3 où l'accent avait été — malheureusement — mis sur le online au détriment d'un solo certes majestueux mais trop court, l'âme de The Last of Us réside dans son histoire superbement narrée et qui a le mérite d'être réellement longue. Là où la majorité des productions du genre se bouclent (bâclent?) en une petite dizaine d'heures, il faut compter environ le double pour venir à bout du périple américain du duo Joel/Ellie. Personnellement, ayant opté pour le mode hard directement (choix que je finis par regretter au bout d'un moment dans tous mes jeux mais que j'assume jusqu'au bout), et désireux d'explorer la majeure partie des sublimes environnements qu'offre le jeu, j'ai terminé ce dernier en pas loin de 25 heures, ce qui est un total particulièrement fascinant qui en dit long sur la longueur d'une quête pourtant linéaire. Il faut dire que de nombreux environnements sont mi-ouverts et labyrinthiques, et que Naughty Dog semble avoir tiré des leçons des quelques critiques assimilant les Uncharted à de superbes mais ennuyeux couloirs. D'ailleurs, ND se montre incroyablement réactif et à l'écoute de ses joueurs: le jour de sa sortie, de nombreux retours firent état d'un bug affectant la sauvegarde automatique, et quelques heures après, il était réparé. Contrairement à certains développeurs dont je tairai le nom, le studio de Santa Monica nous offre donc un jeu complet et fini, et règle immédiatement les rares bugs rencontrés et signalés par les joueurs.
En conclusion, les trop rares reproches que l'on peut faire à The Last of Us ne peuvent entacher l'œuvre d'art que Naughty Dog a livré aux possesseurs de PS3, en guise de chant du cygne d'une console poussée cette fois-ci au bout de ses capacités. Brillant techniquement mais aussi émotionnellement, ce cadeau d'adieu au monolithe de Sony est une œuvre émouvante, mature et bien moins facile d'accès que la peut-être trop évidente trilogie Uncharted. S'il se permet d'emprunter à d'excellents titres de cette génération dans les univers TPS (Uncharted, Max Payne 3, Tomb Raider) ou survival-horror (Resident Evil 5, I Am Alive, Alan Wake), il n'en a pris que le meilleur à chaque fois, pour offrir aux joueurs une expérience dont ils ne ressortiront pas indemnes, accrochés au destin d'un des plus beaux duos de personnages virtuels que le jeu vidéo ait connu.
Toutefois, cette nouvelle fut nuancée de quelques doutes entourant la nature du titre: au vu des premières vidéos, il semblait que nous nous dirigions ainsi vers un TPS aux allures de survival très linéaire, au top graphiquement, bref comme si ND avait eu l'étrange idée de nous pondre une nouvelle licence aux fortes allures d'Uncharted avec des zombies. Et ce bien que le duo de personnages annoncé aie de quoi surprendre, car notamment car constitué d'une adolescente bien trop jeune pour se retrouver projetée dans une telle aventure. Bref, je partais convaincu que ce serait un bon jeu pop-corn mais n'en attendais pas forcément le GOTY notamment après l'expérience de très haute volée vécue dans le dernier Tomb Raider. Que Christrophe Balestra et ses Dogs me pardonnent d'avoir osé émettre de tels doutes jusqu'à la lecture des premiers tests et surtout, jusqu'à ce que je me décide à me faire mon propre avis.
Passé le cap psychologique terrible d'une intro forte en émotions qui pose non seulement des bases techniques de haute volée mais aussi et surtout une certaine profondeur narrative inattendue, on se met dans la peau de Joel, l'un des deux protagonistes du titre de ND. Ce dernier est un quadragénaire barbu isolé dans la zone de quarantaine de Boston où les rares survivants d'une terrible épidémie frappant les États-Unis depuis deux décennies, et se voit confier un "colis" à livrer aux Lucioles, un groupe de survivants isolé à l'autre bout du pays, sous la forme d'une gamine de 14 ans, une certaine Ellie. Cette dernière, en plus de n'être ni une greluche ni un boulet comme le furent de trop nombreux PNJ "coopératifs" (Sheva dans Resident Evil 5, vous vous rappelez?), se révèle être un personnage d'une étonnante maturité, aussi utile à Joel dans son parcours du combattant qu'elle ne peut se montrer fragile et vulnérable. Très vite, la relation entre ces deux personnages que tout devrait opposer constitue la clé de voûte du titre, et je n'ai pas peur de dire que rarement deux protagonistes de jeu vidéo auront été aussi travaillés, et de ce fait crédibles, surtout en constituant un duo. Joel et Ellie sont tout simplement prodigieusement attachants et provoquent constamment l'empathie du joueur. Pour ne pas spoiler, je n'expliquerai pas pourquoi, mais les épreuves aussi bien physiques que psychologiques qu'ils traversent du Massachussets à l'Utah, tout au long des quatre saisons, contribuent grandement à cette incroyable immersion dans leur personnalité et leurs sentiments respectifs.
Outre un discours résolument plus mature et sombre que dans les aventures de Nathan Drake, finalement très décalées et mâtinées d'un humour potache maintenant le joueur dans une ambiance saine et joviale à côté de celles du duo Joel/Ellie, The Last of Us réussit un véritable sans-faute en terme d'ambiance, ne faisant que renforcer les qualités décrites précédemment. D'abord, et c'est peu de le dire, on a très probablement affaire au plus beau jeu de la génération. Le contexte post-apocalyptique aurait pu nous offrir un jeu aux tons beige/grisâtres de plus mais non, il sera sombre et glauque lorsque la logique du décor l'exige (égoûts, pièces sombres et délabrées), mais saura se montrer coloré et chatoyants en des circonstances appropriées (forêt, université abandonnée et envahie par les feuilles orangées de l'automne...). Les divers environnements, en plus de se montrer merveilleusement crédibles, bien proportionnés et résultant d'un travail de "reconstitution apocalyptique" de lieux réels absolument bluffant, se paient le luxe de jouir d'un niveau de détail comme peu de jeux se le sont permis jusqu'ici. Même Max Payne 3, extrêmement travaillé à ce niveau, ne peut tenir la comparaison. D'une certaine façon, The Last of Us révolutionne le photoréalisme post-apocalyptique, et c'est peu de le dire. Bien que pas forcément d'une fluidité ahurissante, le jeu gère merveilleusement tous les effets de lumière comme peut-être jamais vu sur console, ainsi que tous les types de conditions météo possibles et imaginables.
Si l'ambiance est parfaitement réussie d'un point de vue visuel, il convient de signaler que la partie sonore n'est pas en reste. La bande son, signée du guitariste argentin Gustavo Santaolalla, ne cherche jamais à être épique ou pompeuse façon Hans Zimmer. Elle se montre au contraire plus intimiste, parfois rassurante et chaleureuse, le plus souvent mélancolique et angoissante. Personnellement, j'ai notamment trouvé que les compositions à la guitare sèche collaient idéalement à l'aspect "road trip" de l'aventure. Sublime de bout en bout et vierge de toute fausse note, elle contribue à l'implication du joueur et sert merveilleusement les scènes associées comme peu d'OST ont su le faire. Côté dialogues, même si on remerciera ici un travail d'écriture au top, la version originale ne souffre d'aucun manque de crédibilité, chaque voix, chaque intonation collant merveilleusement au personnage incarné. Je n'ai pas pu tester la VF, qui a priori serait entachée de quelques problèmes de synchro labiale, mais ne pouvant me résoudre à expérimenter autre chose que la VO dans ce type de jeu, je n'ai pu le vérifier, et le vis très bien. Seul défaut réel: parfois, les personnages dialoguent vraiment très loin de l'autre, ce qui manque vraiment de crédibilité, et on n'a parfois affaire qu'à des sous-titres pour compenser l'absence de compréhension d'une réponse bien trop éloignée dans le vide. Bon, on ne va pas en faire tout un fromage non plus, un tel défaut se noyant réellement dans le flot de merveilles que propose The Last of Us...
Pourtant, il y a quand même un défaut, plus flagrant, qui peut faire grincer des dents. Et pas des moindres puisqu'il concerne le niveau d'intelligence artificielle des ennemis. Lorsque ces derniers sont des infectés (comprendre: les humains zombifiés qui répandent la pandémie à travers le pays depuis deux décennies), leur manque d'intelligence peut se concevoir, bien qu'il s'agisse d'une excuse facile pour justifier leur incapacité à voir Joel ou Ellie pourtant face à eux, à quelques mètres. Toutefois, je ne parle pas ici des "claqueurs", infectés aveuglés par un champignon infâme qui leur a bouffé la tête, qui se déplacent et identifient leurs proies sur la base du bruit (ce qui constitue un élément de gameplay ici fort bien pensé tout au long du titre), très résistants et bien plus dangereux que leurs congénères. Les véritables humains par contre, souvent constitués de milices désireuses de n'accepter aucun autre humain dans un groupe de survivants, se montrent décevants. Pas sur leur incroyable cruauté et leur capacité à faire perdre toute foi en ce qu'il peut rester de l'humanité dans ce jeu: sur ce point, ils contribuent merveilleusement à l'atmosphère réellement horrible du jeu. Mais plutôt sur leur incapacité réelle à gérer une situation de conflit où, en surnombre, ils s'organisent mal, perdent parfois de vue Joel et Ellie de façon incompréhensible... et si les combats sont dynamiques et la gestion des armes intelligente (sur ce point, c'est un survival digne de ce nom), il demeure surprenant que leur véritable force réside dans la capacité du joueur à ne pas les provoquer, voire les contourner (certaines phases, que je ne pourrai taxer de gunfights vu la pauvreté des munitions laissées à disposition). Un élément de gameplay discutable mais que je trouve pour ma part intuitif et bien foutu consiste à faire jouer l'ouïe du personnage joué (puisque l'on ne jouera pas que Joel durant tout le jeu, certaines phases permettant de contrôler Ellie) pour déterminer l'emplacement des ennemis. Visuellement, cela se traduit par une apparition des silhouettes des ennemis se déplaçant en temps réel à travers les parois les plus proches. On pourrait croire que ça simplifie beaucoup le combat mais ça ne fait qu'accentuer l'angoisse permanente qui l'entoure...
Côté idées de gameplay, Naughty Dog n'est pas en reste, nous limitant volontairement au niveau des munitions et empêchant en permanence le joueur de se sentir en sécurité au niveau de ses ressources. Un plutôt ingénieux système de "craft" permet à Joel d'améliorer la qualité de ses armes ainsi que sa capacité à "switcher" de l'une à l'autre plus aisément. En plus des nombreux collectibles disséminés au travers de l'aventure (pendentifs des membres des Lucioles, comics que dévore Ellie, divers artefacts...), les différentes zones à explorer sont truffées de matériaux que Joel accumule pour bricoler ses armes sur des plans de travail rencontrés de temps en temps, mais aussi de morceaux de lames, de tissu, de scotch, des bouteilles lcool... lui permettant de confectionner bombes artisanales, kits de soin, cocktails Molotov et autres surins (ces derniers s'avérant vitaux pour exterminer plus aisément les "claqueurs" ou forcer des portes verrouillées). Globalement, la progression à ce niveau est intelligente et donne l'impression au joueur d'explorer chaque recoin du jeu, de Boston sous le déluge à Salt Lake City en passant par Pittsburgh ou les montagnes enneigées du Colorado, en donnant à cette exploration une véritable utilité. Surtout que contrairement à un Tomb Raider où les matériaux sont distribués en trop grand nombre, l'aspect "survival" de The Last of Us empêche rigoureusement, même le meilleur explorateur de zones, d'upgrader son équipement au maximum avant la fin du jeu. Il faudra pour cela le terminer et entamer un New Game + qui permet de revivre cette aventure épique sous un aspect davantage orienté exploration et collection.
Bien que cela ne s'impose nullement, Naughty Dog s'est quand même plié au rituel du multijoueur, devenu quasiment obligatoire dans toute production AAA moderne. Ce dernier, apparemment assez anecdotique, constitue d'après ceux y ayant déjà participé un prolongement tout à fait correct de l'expérience proposée par le solo, notamment sur la notion d'amélioration de l'inventaire et du "mode écoute" évoqué plus haut. Je ne m'étendrai pas davantage dessus, ne l'ayant pas encore testé, mais je suppose que je peux faire confiance à ND pour avoir joint à ce titre sublime un multi qui ne l'entachera pas. De toute façon, contrairement à un Uncharted 3 où l'accent avait été — malheureusement — mis sur le online au détriment d'un solo certes majestueux mais trop court, l'âme de The Last of Us réside dans son histoire superbement narrée et qui a le mérite d'être réellement longue. Là où la majorité des productions du genre se bouclent (bâclent?) en une petite dizaine d'heures, il faut compter environ le double pour venir à bout du périple américain du duo Joel/Ellie. Personnellement, ayant opté pour le mode hard directement (choix que je finis par regretter au bout d'un moment dans tous mes jeux mais que j'assume jusqu'au bout), et désireux d'explorer la majeure partie des sublimes environnements qu'offre le jeu, j'ai terminé ce dernier en pas loin de 25 heures, ce qui est un total particulièrement fascinant qui en dit long sur la longueur d'une quête pourtant linéaire. Il faut dire que de nombreux environnements sont mi-ouverts et labyrinthiques, et que Naughty Dog semble avoir tiré des leçons des quelques critiques assimilant les Uncharted à de superbes mais ennuyeux couloirs. D'ailleurs, ND se montre incroyablement réactif et à l'écoute de ses joueurs: le jour de sa sortie, de nombreux retours firent état d'un bug affectant la sauvegarde automatique, et quelques heures après, il était réparé. Contrairement à certains développeurs dont je tairai le nom, le studio de Santa Monica nous offre donc un jeu complet et fini, et règle immédiatement les rares bugs rencontrés et signalés par les joueurs.
En conclusion, les trop rares reproches que l'on peut faire à The Last of Us ne peuvent entacher l'œuvre d'art que Naughty Dog a livré aux possesseurs de PS3, en guise de chant du cygne d'une console poussée cette fois-ci au bout de ses capacités. Brillant techniquement mais aussi émotionnellement, ce cadeau d'adieu au monolithe de Sony est une œuvre émouvante, mature et bien moins facile d'accès que la peut-être trop évidente trilogie Uncharted. S'il se permet d'emprunter à d'excellents titres de cette génération dans les univers TPS (Uncharted, Max Payne 3, Tomb Raider) ou survival-horror (Resident Evil 5, I Am Alive, Alan Wake), il n'en a pris que le meilleur à chaque fois, pour offrir aux joueurs une expérience dont ils ne ressortiront pas indemnes, accrochés au destin d'un des plus beaux duos de personnages virtuels que le jeu vidéo ait connu.
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