Ouf.
A Passion Play, c'est l'album le plus polarisant de toute la carrière de Jethro Tull : vous avez ceux qui le vénèrent et qui y voient l'Alpha et l'Oméga du rock progressif, et ceux qui le considèrent comme une farce insupportablement ennuyeuse et outrageusement prétentieuse.
Ce que je peux en dire, c'est qu'il est très, très difficile d'accès. Pour l'apprécier un tant soit peu, il faut l'écouter en ne faisant rien d'autre, en se concentrant sur la musique, et l'écouter de façon répétée, pour en saisir les nuances, les subtilités. A l'inverse d'un
Thick As A Brick énergique, enjoué en diable, bourré d'humour et de mélodies ravageuses,
A Passion Play est lent, solennel, parfois indigeste et répétitif ; mais la richesse musicale ici présentée est telle que je ne peux m'empêcher d'y revenir encore et encore, malgré son aspect quasi-monolithique, pour découvrir chaque fois quelque chose d'intéressant. C'est très marrant, car la première fois que je l'ai écouté, sans vraiment me concentrer dessus, je me suis dit "bof, c'est répétitif, c'est très très moyen...". C'est vraiment un disque qu'il ne faut surtout pas juger sur une première écoute.
Tels de nombreux albums de King Crimson (
Larks' Tongues In Aspic en tête), ce disque n'a pas vocation à susciter de l'émotion mais relève d'une musique beaucoup plus intellectuelle (coucou Rezga

) et pourtant, je l'apprécie réellement. Il n'est pas aussi grandiose que
Thick As A Brick (en même temps, difficile de faire mieux...) et la fin de la première face tire vraiment, vraiment en longueur, mais je suis vraiment séduit par cet OVNI musical, inclassable, même parmi le progressif qui est pourtant réputé pour ses expérimentations un peu folles. Quant à l'histoire narrée (il y en a une), elle est sympathique, mais bon, ça reste du rock 'n' roll, donc la portée des réflexions (sur la vie après la mort, le caractère très manichéen des conventions sociales) reste fort limitée.
Ah, et il s'est fait descendre en flammes par la critique à sa sortie, en 73. Mais vraiment, en flammes. A tel point que la rumeur a couru que le groupe se séparait (alors que c'était faux)...